Cette année, une amie m’a convaincu de laisser de côté la mode, les sorties dans les bars et les boites, et de l’accompagner faire les vendanges. Une expérience unique qui est en train de changer beaucoup de choses en moi. C’est une expérience inédite qui me procure d’agréables sensations, je sens que je ne rentrerai pas comme je suis partie !
La vie rêvée des vignes : les impressions d’un jeune vendangeur
« L’aurore se lève pleine de fraîches promesses sur nos valons de labeur. Courbé, les genoux dans la boue fraîche, comme pour mieux me souvenir de la générosité de cette terre nourricière, je cueille respectueusement les grappes de ma première rangée de la journée. Un silence religieux s’est imposé à nous, contrastant avec les chants paillards entonnés dans l’utilitaire du patron.
Ce n’est pas par hasard que Voltaire disait : « Je ne connais rien de sérieux ici-bas que la culture des vignes ». Un calvaire surplombe la troupe. Sans doute, érigée là pour garantir une saine culture, la vierge nous contemple dans notre moisson.
Nous sommes une quarantaine travaillant par paire. Les plus jeunes trouvent au pied des cépages de l’argent de poche, tandis que Pierre, notre doyen de 74 ans, y célèbre sa jeunesse à chaque nouvelle côte, coutumier des merveilles enivrantes que recèlent ces collines, il répète inlassablement cet ensemble de gestes simples. Son dos le fait souffrir mais, impassible, il s’enquiert sur les projets de la parisienne qui lui fait face, concluant chaque réponse de la jolie jeune femme d’un commentaire chargé de sagesse à laquelle cette dernière hoche benoîtement la tête dans le plus sincère respect (passant sous silence les trois légères entailles qu’il lui a pratiqué à la main depuis ce matin).
Les nuages laissent s’échapper ça et là quelques rayons dardant le raisin, trop heureux de déployer ses mille teintes métalliques à nos regards extasiés. Car les vignes demeurent avant tout la fête des sens. En plus de ces paysages dignes de l’Olympe, que les brumes se chargent de nous faire redécouvrir à chaque instant, des risées chargées de sucre ravivent nos odorats trop longtemps contenus par les gaz d’échappements de nos vies urbaines. Pour mieux profiter de ces délices, je me relève, essuyant mon front de cette saine sueur, étalant ainsi un peu de boue sur mon front. Serviteur de la Nature, en bon fils, je me replonge dans cette millénaire célébration de la vie.
Contrôleur EDF dans une centrale nucléaire du nord de la France, François entonne Aznavour. Alors, un chœur le rejoint portant aux nues cette vie de bohème que nous n’avons pas connue. Une joie tranquille nous lie les uns aux autres. Il y a un peu de la prose d’Aragon dans ces vignes. Chacun a ses raisons d’être là, pourtant il s’agit bien d’une aventure collective. Les plus rapides ne se contentent pas de terminer leurs rangées, ils aident ceux qui sont à la traîne. On vit et souffre ensemble pendant ces semaines de vendanges.
Alors voilà, les vendanges, ça n’est que deux semaines, et je remercie mon employeur de m’avoir permis de prendre ces deux semaines de congés alors que je viens d’entrer dans l’entreprise. Je vous l’ai dit ? La vie et belle et je l’adore !